Nous sommes très heureux d’avoir enfin pu organiser deux journées de rencontre en présentiel (les 1er et 2 avril) à Montreuil au siège d’ATD Quart Monde. Nous remercions tous les participants pour leur présence. Ce fut l’occasion pour les personnes engagées dans l’expérimentation de se retrouver en « vrai » et d’échanger sur différentes thématiques.
Le 1er Avril, huit militants et militantes Quart Monde impliqués dans le projet ont partagé avec l’équipe de coordination des souvenirs des observations réalisées dans des écoles associées à l’expérimentation CIPES. Une dizaine de récits ont ainsi été construits. Ils témoignent des points de vue de ces militants et militantes, et ont été écrits afin de faire comprendre ces points de vue aux autres participants de CIPES.
Cet évènement a rassemblé militants et militantes Quart Monde, directeurs et directrices d’école, enseignants et enseignantes, IEN, chercheurs et chercheuses, membres de l’AGSAS, de syndicats, du Copil CIPES et de l’équipe de coordination.
Le 1er Avril : Une journée de réflexion entre militantes et militants Quart Monde
Ce fut une journée riche en échanges. Les huit militant·es ont débattu avec l’équipe de coordination sur des fonctionnements et des pratiques scolaires qui leurs ont paru pertinentes, surprenantes ou néfastes.
Ce travail s’est déroulé en trois étapes :
- Un premier atelier de réflexion sur les éléments qui ont été particulièrement appréciés par les militant·es durant leurs observations au sein des différentes écoles.
- Un second atelier, portant cette fois sur certaines pratiques ou méthodes que les militant·es ont trouvées choquantes.
- Un dernier temps de mutualisation des récits et témoignages a ensuite eu lieu. Une sélection s’est imposée parmi ceux-ci en vue de la rencontre du lendemain (2 avril) : il a fallu choisir ceux qui tenaient le plus à cœur.
De multiples sujets ont été abordés et discutés lors de ces moments de partages d’expériences et de vécus.
En premier lieu, c’est la question des méthodes pédagogiques au sein de la classe qui fut le plus évoqué durant ces séances de travail. Des remarques très positives comme très négatives ont été évoquées. Par exemple, le cas d’une enseignante de CP utilisant fortement les gestes pour l’apprentissage mais aussi pour encourager les élèves (pouces en l’air et mains en forme de cœur) a fait réagir une militante ainsi : « C’est parfait cette méthode ! ».
À l’inverse diverses critiques se sont formées, notamment sur les formes d’exclusion à l’extérieur des classes (élèves punis dans le couloir) mais également au sein de celles-ci (élèves non interrogés, non pris en comptes par l’enseignant ou l’enseignante).
Une seconde thématique ressortie de ce temps de travail se rapporte à la question de l’accueil au sein de l’école et des relations entre l’école et les parents.
L’accueil (des élèves mais aussi des parents) au sein de l’établissement scolaire semble être un prérequis nécessaire pour la création d’un climat favorable à l’apprentissage et à la constitution d’une relation de confiance entre les familles et l’école. Cette idée a été illustrée par plusieurs exemples dont celui d’une école particulièrement accueillante, où les parents peuvent entrer, où une enseignante est toujours présente pour recevoir les parents et les élèves. De plus, un tableau de présentation de l’école dans toutes les langues parlées par les parents est affiché à l’entrée. Autant d’éléments qui, pour les militants, sont des facteurs facilitants pour « donner envie » aux parents, même méfiants à l’égard du système scolaire, d’entrer dans l’école.
Cependant d’autres pratiques furent débattues sans qu’un consensus ne soit trouvé. En témoignent les interrogations autour de l’expérience « Maman Souris », permettant à des parents d’observer les enfants en classe sans que ces derniers le sachent.
Marie-Aleth Grard : Officier de l’Ordre National du Mérite.
Marie-Aleth Grard : Officier de l’Ordre National du Mérite.
À la fin de la journée du 1er avril, Marie-Aleth Grard, Présidente d’ATD Quart Monde a eu l’honneur d’être décorée de la Médaille de l’Ordre National du Mérite par Pierre Corvol, Professeur au Collège de France. Ce honneur lui a été remis du fait de son engagement dans la lutte contre la misère et la grande pauvreté, notamment au sein d’ATD Quart-Monde.
Le 2 Avril : Une rencontre multi-acteurs riche en échanges
Le 2 avril, la journée a réuni une grande diversité d’acteurs de l’expérimentation. Comme Marie-Aleth Grard l’a présenté : « L’objectif premier de cette journée est de s’écouter, et même si les paroles sont parfois un peu rudes, abruptes, de vraiment accepter de se laisser déranger. ». Après l’exposé des récits par les militants, l’ensemble des participants et participantes se sont réparti·es en quatre ateliers afin d’échanger autour de ces témoignages et sur les thématiques développées. De ces ateliers, de nombreux sujets ont émergés : si certains ont globalement fait consensus, d’autres furent sources de débats et d’incompréhensions.
Déjà évoquée la veille, l’importance des relations parents-école est apparue dans différents groupes de travail, avec l’idée d’un besoin de confiance mutuelle, se répercutant sur les relations élève-enseignant·e. Mais si l’enjeu de compréhension réciproque de ce qui fait la spécificité des deux lieux de vie de l’enfant (la maison et l’école) apparaît comme nécessaire, il semble aussi indispensable de penser à réserver un espace pour l’enfant/élève : tout ne doit, ne peut se dire entre parents et enseignants.
Des questionnements autour de comportements parfois excluants envers les élèves en difficulté et/ou en situation de pauvreté ont été soulevés. Des exemples d’enfants que les militants et militantes ont perçu comme marginalisé.e.s par des maîtres et maîtresses ont illustré ce débat. Plus largement, a été interrogée la définition d’un bon enseignant ou d’une bonne enseignante et ce que peuvent être des pratiques inclusives ou non excluantes. Le point de vue des militants et militantes s’est parfois retrouvé en contradiction avec celui des membres des équipes pédagogiques.
Ainsi, l’exemple d’une militante exprimant ses interrogations sur certaines questions posées en classe, qu’elle considérait comme trop compliquées, a lancé un débat sur la problématique de l’ambition. Ce terme désigne ici les attentes, le niveau d’exigence d’un ou une enseignant·e envers les élèves. Cette ambition est parfois réduite pour les élèves en difficulté et/ou issus de milieu défavorisé, influençant en partie leur orientation, trop souvent subie.
Enfin, un point crucial est ressorti durant la phase de restitution, celui de l’importance des croisements de regard sur une séquence de classe et de la compréhension des différences de perceptions d’une même action. En ce sens, cette journée fut très riche en partage d’impressions, malgré un temps limité, toujours source de frustrations.
Conclusion :
Les journées des 1er et 2 avril ont apporté beaucoup de données et informations pour l’équipe CIPES ainsi que pour l’ensemble des participants et participantes. Toutes les thématiques abordées ne sont pas restituées dans cette lettre mais feront l’objet d’analyses et de réflexions.
C’est ainsi que certaines de ces thématiques ont été proposées aux équipes enseignantes le 10 mai 2022, lors d’une réunion en visioconférence. Une autre réunion a eu lieu le 19 mai avec les accompagnateurs et accompagnatrices pour discuter de ces sujets. En plus des projets mis en place dans les écoles, la multiplicité de ces rencontres, de ces réunions, permet à l’expérimentation CIPES de se déployer.
L’ensemble de l’équipe de coordination vous souhaite un très bel été. Reposez-vous bien et on se retrouve en septembre pour la lettre CIPES n°14.