Répondre à : Témoignage Elodie et Vincent Espejos-Lucas, militants Quart Monde

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#240
Josse Annino, présidente Désir d’école
Invité

Merci pour votre message, qui témoigne bien que la menace qui plane sur
nous aujourd’hui est autant social que sanitaire. De ma campagne qui
s’éveille au printemps, je ne fais qu’imaginer ces moments si difficiles
que vous vivez et je suis désolée d’être impuissante à vous soutenir. Si
vous avez l’idée de quoi que ce soit que je puisse faire à distance,
n’hésitez pas à le dire. Ca sera avec plaisir…

Pour en revenir à Melissa et Alicia, je comprends votre bien votre désir
de faire au mieux pour les accompagner et votre inquiétude de ne pas y
arriver mais personnellement, je ne suis pas inquiète pour elles.
D’abord parce que la « continuité pédagogique » prescrite est juste une
illusion ! J’ai beaucoup de profs dans mon entourage qui passent leurs
journées sur leur ordinateur à tenter d’entretenir cette continuité, à
faire preuve d’inventivité, et même eux disent que c’est mission
impossible. Ils font semblant, pour rassurer les élèves et leurs
parents, et parce que leur conscience professionnelle les y oblige,
mais ils disent bien que, hors la classe et la présence physique auprès
des élèves, ils ne peuvent garantir que les élèves apprennent… Les
moments les plus forts sont ceux où ils ont un contact direct, au
téléphone, avec les familles. C’est bien finalement, on redécouvre toute
la valeur de l’humain.  Faut-il que les relations soient empêchées pour
qu’on mesure la force des liens affectifs et sociaux qui participent au
bon apprentissage ?

Alors, oui, ce confinement va engendre des inégalités et les parcours
scolaires des élèves vont être bouleversés, mais c’est vrai pour TOUS
les élèves et à leur retour en classe, Melissa et Alicia vont retrouver
des camarades qui auront, comme elles, vécus des choses différentes.
Aucun élève n’aura appris la même chose que son voisin,et il faudra
faire confiance aux enseignants et à leurs compétences pour gérer ces
différences de parcours et refaire du commun. Peut-être même que ce sera
une belle occasion de favoriser la mutualisation des expériences…

Je crois que ce qui est dramatique dans cette situation c’est que l’état
réduise le problème de l’école à une question de  » transmission  » et de
« travail » et se décharge de la responsabilité qui lui incombe. Cela
arrangerait bien notre ministre s’il suffisait de communiquer à distance
les connaissances et les exercices et de dire à nos enfants « travaille ».
Cela ferait le preuve que les enseignants ne sont pas indispensables.
Dommage pour lui, il fait la preuve du contraire !!! Dans tous les
milieux les parents disent leurs difficultés, voire leur impuissance, à
faire étudier correctement leurs enfants. Les enfants qui s’en sortent
le mieux sont peut-être une toute petite minorité de jeunes passionnés
par les études.

Le vrai privilège dans cette situation, et je pense que là les parents
ont une carte à jouer, sera pour les enfants qui auront pu mettre à
profit le temps qui leur était donné pour découvrir autre chose que le
programme scolaire. Autre chose à prendre dans les ressources familiales
et locales, la participation aux activités quotidiennes des adultes,
activités créatives avec ce qui tombe sous la main, bricolage (c’est
l’occasion de démonter la vielle radio !), chants, jeux en tous genres,
écriture et lectures non imposées, plaisir des discussions à n’en plus
finir pour refaire le monde en y associant les plus jeunes… Donc,
pourquoi ne pas les laisser jouer plus, les accompagner sur ce qui les
tente et les accompagner pour qu’elles en fasse quelque chose
d’intéressant ?

De ce côté là, Elodie et Vincent, je sais que vous avez beaucoup à
apporter à vos enfants ! C’est bien plus précieux que le travail
scolaire. Si vos filles tirent de la fierté et de la confiance à avoir
vécu de bons moments en famille, elles seront prêtes à s’adapter et à
reprendre sereinement leur scolarité le moment venu.