Lettre CIPES n°16

Présentation de la rencontre avec le Ministre de l’Éducation Nationale : Pap N’Diaye

Béatrice Navajas, Dominique Lahanier-Reuter et Marie-Aleth Grard au Ministère de l’Éducation Nationale. Photo réalisée par Benoit Reboul-Salze

Nous avons rencontré M. Pap N’Diaye, ministre de l’Éducation nationale, le 3 janvier. Après une brève présentation du Mouvement ATD Quart Monde, nous avons commencé par souligner deux points, qui nous semblent essentiels.

  • Nos inquiétudes d’une société fracturée, divisée où les enfants et les jeunes ne jouent plus ensemble, ne pensent pas ensemble, n’apprennent pas ensemble et ne développent pas leur esprit critique ensemble.
  • Les impacts du Covid sur les enfants et les jeunes de milieu très défavorisé (des orientations précoces, des sorties du système scolaire plus fréquentes encore).

Il nous semble donc que notre démocratie est en danger car nous construisons une société à deux vitesses.

Nous avons ensuite présenté l’expérimentation CIPES : comment les orientations massives des enfants en situation de grande pauvreté vers les filières de l’enseignement spécialisé, la reproduction de parcours scolaires marqués par les inégalités, nous avait amenés à mener une vaste recherche, avec différentes catégories de personnes : les professionnels que sont les enseignants, les Atsem, etc ; des militants d’ATD Quart Monde qui ont vécu ces orientations, ces injustices ; des chercheurs de différents laboratoires intéressés par ces questions.

Le ministre s’est dit également préoccupé par les inégalités scolaires si marquées par les inégalités sociales et a évoqué nos conventions pluriannuelles d’objectifs.

Marie-Aleth Grard, Dominique Lahanier-Reuter, Béatrice Navajas, Benoit Reboul-Salze

Entretien avec Marjorie Khalkhal, directrice de l’école maternelle Schoelcher à Montpellier

CIPES : Comment l’équipe s’est-elle retrouvée dans cette expérimentation ?

Au vu de la situation de l’école et du questionnement des enseignants sur le quotidien des enfants hors de l’école, la relation école famille est un axe de travail de l’école depuis des années.
Jean, qui était le directeur au début de l’expérimentation, en a été le point de départ. En effet, grâce à sa proximité avec le mouvement, l’ensemble de l’équipe a été sensibilisée aux actions d’ATD Quart Monde : café des parents, la Bibliothèque de rue, participation à des formations. C’est donc une suite logique de ce que nous faisons depuis des années.

Comment cela faisait-il écho à ton parcours personnel ?

Je suis issue d’une famille modeste, c’est donc un sujet qui m’est proche.
Mais c’est surtout par rapport à mon mari : il a été élevé par une maman isolée qui ne maîtrisait pas la langue française. Il vivait dans une grande précarité et a rencontré beaucoup de difficultés. Sa maman, qui n’osait pas prendre sa place à l’école, n’allait pas aux réunions. Sa chance, c’est d’être le petit dernier ; il a été a été aidé par les plus grands. Sa grande soeur en particulier a pris en main sa scolarité.
J’ai toujours travaillé en éducation prioritaire, j’ai le sentiment d’avoir une mission particulière dans ces écoles. Du point de vue culturel, je pense que nous sommes le seul apport.
Les questions au sujet de l’orientation ont toujours été une préoccupation de l’équipe.
On s’est rendu compte que les enfants orientés en spécialisé n’avaient pour la plupart pas de problèmes cognitifs.


Est-ce que vous rencontrez des difficultés pour mener à bien le projet ?

Le mouvement des personnels provoque une certaine instabilité de l’équipe.
On a perdu un tiers de l’équipe de départ qui s’était engagée dans le projet.
Le manque de considération de l’institution, le manque d’aide pour mener à bien ces
actions (par exemple le fait de nous dégager du temps…), tout cela peut provoquer de l’essoufflement.

Est-ce que tu penses qu’un tel projet, cependant, peut bénéficier à l’école ?

Oui, car a contrario, un noyau dur d’enseignants ne lâche rien. Le projet est une suite logique de leur cheminement professionnel. Ils sont fortement impliqués et donnent beaucoup sur leur temps personnel.
Le plus, grâce au projet, c’est d’institutionnaliser différentes actions qui existaient déjà, les tutorats entre élèves, les relations famille/école, la différenciation, le suivi sur 2 ans des élèves par le même enseignant… L’uniformisation de méthodes et le partage de savoir-faire, ça sécurise les apprentissages.

Quelles sont tes attentes au travers de ce projet?

Utopiquement, que l’école parvienne à combler tout ce différentiel ! Plus raisonnablement, que l’école soit réellement une école égalitaire pour tous, qu’elle s’en rapproche le plus.
Pour le projet, j’espère que cette expérimentation prouvera qu’avec un investissement accru on peut améliorer les choses. J’attends des choses concrètes pour les nouveaux enseignants : qu’ils aient une sorte de guide, comme les fiches-actions.

Entretien réalisé par Jean et Maryline Renard,
membres de l’équipe de coordination CIPES

Les IPS

En novembre 2022, le Ministère de l’Éducation nationale a rendu publiques les données concernant l’Indice de Position Sociale dans les collèges.

Pour l’expérimentation CIPES, ces indicateurs sont importants. En effet, l’indice de position sociale (IPS) « permet d’appréhender le statut social des élèves à partir des professions et catégories sociales (PCS) de leurs parents. »

Si nous considérons les IPS des établissements scolaires de métropole, la moyenne de ces indicateurs est de 125,65, l’écart type de 15,61.

L’IPS moyen de notre population est de 81,3 donc très inférieur à la moyenne générale. Les plus bas IPS de cette population sont à plus de deux écarts types de cette moyenne générale. Par conséquent, ces établissements ont des IPS extraordinairement bas (au sens statistique du terme).

L’écart type de la distribution de cet IPS sur notre population est de 11, donc de ce point de vue, les établissements concernés par CIPES se ressemblent ou présentent moins de différences que dans la population générale.

Pour aller plus loin : Cliquez ici

Les Réunions CIPES

Au cours des dernières semaines, l’équipe de coordination CIPES a organisé plusieurs rencontres de partenaires.

En premier lieu, le 24 janvier, les membres de l’AGSAS ont travaillé sur les formes d’exclusion au sein des classes, à partir d’une vidéo.

Le 31 janvier, les chercheur.es ont accueilli Jean-François Inisan en tant que nouvel accompagnateur des écoles du Morbihan. Une chercheuse a ensuite présenté son travail d’accompagnement puis son étude en cours sur l’inclusion/exclusion. À partir de ses entretiens et de ceux réalisés dans le cadre de l’État des lieux de CIPES, elle a créé une grille d’analyse pour étudier les discours à travers le double prisme de l’inclusion/exclusion, deux processus indissociables.

Une réunion avec les équipes enseignantes aura lieu le 9 mars : une réflexion sera proposée autour d’une situation ayant pu être interprétée comme excluante (soit par l’équipe de coordination, soit par les militant.es, soit par les élèves).

Les nouvelles publications du site CIPES

Vous pourrez trouver des interventions de Marie-Aleth Grard concernant son ouvrage L’égale dignité des invisibles. Quand les sans-voix parlent de l’école, paru en 2022.

  • Un entretien avec une directrice d’école, une formatrice et deux militant·es.

C’est à chaque fois l’occasion de présenter son livre mais aussi de parler du projet CIPES et des enjeux posés par la discrimination subie par les élèves les plus pauvres au sein du milieu scolaire.