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10 septembre 2020 à 16 h 11 min #277clotilde GranadoInvité
L’expérience de Luc dans sa classe de CM1
Continuité pédagogique :
Elle est assurée au sein de mon école par le biais de l’Espace Numérique de Travail des écoles de la Ville de Marseille (ENT CIME Marseille).
Les devoirs sont déposés dans un cahier de textes (fiches à faire et corrigés sont déposés dans une médiathèque).
Les communications entre élèves ou élèves-enseignant passent par la messagerie du site.
Les élèves ont la possibilité, sur un blog, d’écrire des articles, leurs réflexions, publier des « critiques » de livres ou de films,…
Les élèves ont aussi accès à des padlets (réalisés par une enseignante ou par notre circonscription).Pour ma classe :
Je communique par téléphone avec les 27 familles de ma classe 2 fois par semaine, pour assurer un lien école-famille, pour avoir des retours sur ce qui est vécu au sein des familles.
1) Paradoxalement, cet éloignement physique nous rapproche. Avec toutes ces conversations téléphoniques (qui peuvent durer…), j’ai le sentiment de me rapprocher et de mieux connaître les familles. En « temps normal », les rencontres que je fais avec les familles sont, en fait, très (trop?) limitées.2) Je m’aperçois que peu d’élèves cette année vivent dans des conditions difficiles.
Seules 5 familles ne sont pas équipées au niveau informatique (quasi obligation d’avoir une imprimante pour travailler confortablement).
Pour ces familles, 2 permanences sont organisées à l’école : les familles peuvent déposer le travail effectué et prendre le travail à réaliser pour les jours suivants (organisation mise en place pour toutes les classes de l’école).3) Un suivi plus spécifique est réalisé au niveau de 2 familles : contacts téléphoniques répétés, je peux passer les voir chez eux (conversation à distance, à l’extérieur,…). Le travail en général n’est pas fait, les parents disent que c’est très difficile,… (familles monoparentales, avec plusieurs enfants).
4) Pas de collecte organisée au sein de notre école mais les parents d’élèves ont mis en place un forum de discussion pour les parents (pour échanger, faire part d’un besoin,…).
5) En terme de travail scolaire (pour 27 élèves) :
20 élèves sont en contact régulier avec moi, le travail (recentré sur les fondamentaux : lecture, production d’écrit, maths, histoire, sciences, anglais) est fait régulièrement. J’ai « perdu » 7 élèves que j’essaie de remobiliser… (les parents ont beaucoup de mal à motiver leurs enfants, à les accompagner).
Pour ces élèves, le temps passé sur les écrans (sur des jeux, des réseaux sociaux) est, je pense, très important (parfois du matin jusqu’à tard le soir).6) Les « plus » du travail par le biais de l’espace numérique : la production d’écrit, le travail sur des supports numériques (leçons des sites Canopé, Lumni, la découverte de reportages, documentaires, films de fiction, festival du film jeunesse, de jeux « Escape games » ou « Prisme 7 » du Centre Georges Pompidou,…).
7) Pour mobiliser le plus grand nombre (car la motivation décroît avec le temps), nous pensons jusqu’au 11 mai (au moins) passer par la « Classe virtuelle » pour, peut-être, 1 heure par jour avoir un contact « direct » avec nos élèves.
Quartiers Sud
Martine Blomme
Ce matin j’ai appelé les familles de l’aide aux devoirs à la Soude. Dans l’ensemble elles vont bien et arrivent à motiver tant bien que mal les enfants. Certaines personnes ne se plaignent que les enfants ont trop de devoirs et apprécient cette période de vacances scolaires. CREQS est en lien avec le Centre Social et sa nouvelle Directrice Sonia Luquand, pour les distributions de colis alimentaire organisés par la Préfecture.
Sur 18 familles inscrites pour l’aide aux devoirs, 5 reçoivent déjà l’aide alimentaire distribuée par le Centre Social. 4 familles supplémentaires vont être inscrites car non encore recensées. 1 seule n’a pas de connexion internetPierre Chauvin
J’ai eu entre 1 et 3 fois, au téléphone, les collégiens de l’aide aux devoirs de la Cayolle. Et parfois leurs parents. (15 enfants pour 12 familles).
L’impression est pour moi plus positive que négative; mais c’est très subjectif…
Il m’a semblé que les parents et les enfants se sont rapprochés, par ce confinement, autour du sujet scolaire; avec comme intermédiaire la connexion informatique des cours et devoirs. Et cela, même si les parents, pour la plupart, ne peuvent pas aider leurs enfants.
Toutefois il y a des défauts plus ou moins cachés dans ce système:
La connexion à Pronote n’a pas été toujours de bonne qualité. (Toutes ces familles sont connectées) Parfois, cours illisible.
Les travaux demandés semblent être trop difficiles, dans certaines disciplines, pour plusieurs élèves… Et parfois, au contraire, les élèves déclarent qu’ils n’ont aucun problème alors que je sais, pour les connaître, qu’ils ont beaucoup de mal dans certaines matières. Il y a là un leurre, une tromperie que les enfants, je crois, entretiennent auprès de leurs parents.
Certains profs n’ont pas donné de travail (Mais peut-être ont-ils envoyé les cours?)
Comme j’avais demandé aux enfants, en début de confinement de ne pas oublier de faire de la lecture, j’ai constaté qu’un mois plus tard, ils n’ont pas terminé le livre que le prof a demandé de lire. Deux filles ont fini un livre: roman qu’elles ont choisi.
Enfin, comme je les pressaisde faire aussi, régulièrement, des exercices physiques, la grande majorité m’a déclaré qu’ils l’avaient fait.
Pour finir, il m’a semblé, par les bruits au téléphone, qu’il y avait une agitation assez importante dans le logement, pour environ un tiers des familles.Valérie Webb
Je ne suis pas en contact direct avec les familles, ce que j’en sais, c’est en suivant les informations relayées par les réseaux sociaux, ou le collectif Rosiers (une enseignante avec qui j’ai travaillé) dans lequel Grégoire doit participer. (voir ci-dessous)
La seule chose que je puisse en dire, arrivant de région parisienne, c’est que je n’ai jamais vu une mobilisation aussi rapide et efficace se mettre en place pour venir en aide, soutien aux familles précaires et en difficulté.Collectif des Rosiers
Le collectif des Rosiers s’est créé le mardi 17 mars 2020 afin de réagir à l’urgence sociale et humanitaire dans laquelle se trouvent les familles les plus précaires de la cité des Rosiers (13014) depuis le début du confinement, le 16 mars 2020.
Ce collectif est composé d’habitant·es des Rosiers, d’enseignant·es des écoles du secteur, de travailleurs/ses sociaux et d’acteurs/trices associatifs, tou·te·s engagé·es à titre bénévole afin de proposer une aide sociale et alimentaire aux familles les plus démunies.
Depuis la création de ce collectif, nous organisons cinq distributions par semaine aux Rosiers presque 200 familles (soit plus de 400 personnes). Ces familles ont d’abord été identifiées par le collectif, et elles nous sont désormais adressées par les services sociaux et les autres collectifs et associations du secteur (ADDAP13, MDS, CHO3, RESF, etc).
Grâce à de nombreuses associations et collectifs (Centre Social Saint-Gabriel, Aouf, Massilia Couches Système, Vendredi 13, Secours Populaire, Croix-Rouge, Restos du Cœur, Panier de Marité, Cité des Arts de la Rue) et au soutien des particuliers, nous leur proposons des colis alimentaires, des produits d’hygiène, des chèques alimentaires mais également du matériel scolaire et des activités ludo-éducatives.
Nous accompagnons également ces familles dans leurs démarches administratives (relations avec les institutions, accès au droit, logement) et nous sommes pour cela organisé·es en 10 commissions, toutes composées de membres bénévoles, spécialisé·es sur les différents axes d’action du collectif.REFLEXION / TEMOIGNAGE DE PSYCHOLOGUE EN EDA en période de confinement –
avril 2020 en secteur REP +
E Chéneau
Les témoignages des parents et enseignants sont éloquents, l’injonction de « continuité pédagogique » a provoqué pour certains des réactions identiques : parents, enseignants et élèves veulent faire le mieux possible et ne pas décevoir l’autre dans ces nouvelles missions virtuelles. Chacun dépense donc beaucoup d’énergie pour montrer à l’autre qu’il sait faire, qu’il y arrive, qu’il n’est pas en difficulté. On est alors plus sur la forme que sur le fond.
Les vacances virtuelles sont donc arrivées avec nécessité pour beaucoup d’entre nous au bord de l’épuisement psychique. Elles permettent de se ressourcer, se reposer et s’occuper enfin de nos propres maisons et habitants délaissées par les (trop) nombreuses réunions virtuelles.Nos missions de psychologues, principalement axées sur le lien déjà en temps normal, se sont accrues : lien entre équipe pour prendre des nouvelles et organiser le suivi pour les fratries, contact avec les familles en fragilité numériques et éloignées des normes scolaires, aide à la réflexion en équipe de circonscription sur la mise en œuvre de cette fameuse continuité pédagogique.
Constat d’un
• lien préservé pour la plupart des familles avec l’enseignant mais au bout de 3 semaine, constat d’une quasi-absence de lien entre élèves (sauf pour les quelques classes fonctionnant sur des supports numérique virtuel).
• Une certaine résilience des familles, peut-être déjà habituée à subir dans les quartiers défavorisés. Pour certains « tout va bien », en surface, mais pas de crayon ni de papier, à nouveau décalage entre les attendus du monde scolaire et la réalité des familles. Pour d’autres, 1 téléphone pour 4 enfants, donc chacun peut travailler 1jr/4.
• Certains parents n’osent pas évoquer leurs difficultés financière, scolaires, éducatives avec les enseignants MAIS C’EST BIEN NORMAL. Ce n’est pas le rôle des enseignants.
Donc interrogation collective de ce que signifie l’injonction de lien…
Aider à penser : ne pas demander aux parents de se substituer aux enseignants (en fournissant des listes d’exercices quelle qu’en soit la forme (padlet, ex en ligne, page de manuel, cours tapés…), mais que peuvent faire les enfants en tant qu’élève au domicile : les faire réfléchir, les mettre en projet, comment susciter la mise en place de rituels… Exercice d’autant plus difficile que l’enfant est jeune.
Ex de décalage : une enseignante de CP demande à l’élève d’écrire sur son cahier la date du jour, puis de faire les rituels comme en classe (le fameux implicite…), mais l’élève ne sait pas quoi faire….Le temps de confinement est vécu comme une bulle, un retour sur la cellule familiale qui s’organise avec peu de contraintes ni confrontation à la norme (sociale, scolaire, éducative…). Les parents se sentent en sécurité chez eux, mais comment se projeter et penser le déconfinement à venir ? C’est cette projection qui me semble aujourd’hui susciter des inquiétudes, d’autant plus liées à l’incertitude et qui risque de se propager chez les enfants.
Michèle : mon expérience à l’Université de Toulon
J’ai 60 étudiants en L2 (approche linguistique de la poésie) et 12 étudiants en master (méthodologie de la recherche) ce semestre, plus les suivis de stages en licence professionnelle et M2.
Les étudiants de master sont en lien avec les enseignants par des classes virtuelles. Sur les 12 il n’y en a qu’un qui ne soit pas connecté régulièrement. Pour les étudiants étrangers qui sont seuls, c’est dur d’être confiné dans une chambre. Heureusement certains habitent à plusieurs. Le travail est un bon antidote à l’anxiété. En master le suivi est très individualisé et la plupart des cours avaient déjà eu lieu en présentiel, donc ce n’est pas très compliqué.
En licence, j’ai passé beaucoup de temps à établir un contact avec les étudiants au début. Je leur ai demandé de faire un dossier à deux sur un poète contemporain dès février à rendre en avril, certains avaient emprunté les livres à la B.U., mais beaucoup n’avaient pas encore commencé avant le confinement et n’avaient pas de livres (acheter des livres à distance ne semble pas dans leur ligne d’horizon). Je les ai donc beaucoup aidés à trouver sur Internet des poèmes : j’avais donné les adresses de sites très riches mais souvent ils ne savent pas récupérer les informations et j’ai dû moi-même télécharger les textes et les envoyer à certains étudiants car beaucoup ont des connexions à Internet lentes et intermittentes. Il y a une grande différence dans l’accès au numérique : certains ont des ordinateurs personnels (peu ont des imprimantes), d’autres les partagent avec toute la famille. Certains ont un bon accès Internet, d’autres non. L’université a contacté tous les étudiants qui se sont signalés en déficit de matériel pour leur fournir une aide à l’achat d’un ordinateur. Des aides sociales ont aussi été mises en place pour ceux qui ont perdu leur travail. Inversement ceux qui travaillaient dans l’alimentaire ont vu leurs contrats passer à temps plein et n’avaient plus de temps pour étudier.
J’ai privilégié le dépôt de documents écrits sur la plateforme pédagogique (cours, corrigés), plutôt que les cours à distance pour ne pas creuser l’écart. J’ai organisé des séances questions-réponses par classe virtuelle mais je n’ai jamais eu plus de la moitié des étudiants connectés. Ce qui est étonnant, c’est qu’ils n’envoient pas de mel pour dire quelles sont les difficultés qu’ils rencontrent. Beaucoup se sont repliés sur eux-mêmes. Malgré tout, à force d’insistance, j’ai obtenu que 56 étudiants m’envoient un travail. J’ai corrigé une première version et leur ai demandé de la reprendre. C’est sur ce travail que le cours sera évalué (d’habitude, je demande ce travail personnel qu’ils exposent en classe pour en faire profiter les autres, et ils ont en plus un examen en temps limité – un texte à étudier). Je dois dire que le travail est plutôt meilleur que d’habitude, fait avec plus d’approfondissement, et que le fait de leur demander de reprendre leur première version (je peux faire cette double correction parce que je n’ai pas les cours) est très formateur pour eux.
La plupart des enseignants se sont mis d’accord pour mettre au moins 10 à tout travail rendu fait honnêtement et je pense que les étudiants qui ont continué à étudier et ont rendu les travaux demandés vont tous valider leur année plus facilement que d’habitude. On a beau les rassurer, ils sont quand même très inquiets.
Certains enseignants veulent organiser des examens à distance : distribution du sujet à telle heure sur la plateforme, dépôt des devoirs par les étudiants à telle heure. Mais, franchement, je doute que ça soit possible pour tous. Les autres enseignants ont essayé de les dissuader : la commission pédagogique nous avait autorisés soit à neutraliser la matière si elle était trop difficile à évaluer à distance, soit à remplacer l’examen par un travail de type dossier (écrit ou audio). Mais certains ne démordent pas de l’examen.
Pour les étudiants qui étaient en stage ou allaient partir en stage, il a fallu faire le point. Les stages peuvent être interrompus et reprendre plus tard. L’inscription dans une année va courir jusqu’au 31 décembre, ce qui permettra aux étudiants de faire des stages à l’automne sans redoubler ni repayer une inscription. Mais pour les formations orientées vers le spectacle vivant, ça sera très difficile pour les étudiants : le stage peut être remplacé par une recherche, mais le problème, c’est pour l’entrée dans la vie professionnelle. Le stage est souvent un sésame obligatoire et là, que va-t-il se passer ?Une recherche universitaire
Une équipe de chercheurs de l’Université d’Aix-Marseille, issus de plusieurs disciplines effectue une recherche visant à étudier l’activité de travail des enseignants-es (de la maternelle à l’université), de leurs élèves (de la maternelle à la terminale) et des familles impliquées dans ce travail à la maison.
Toutes les données récoltées sont totalement anonymes et ne seront utilisées qu’à des fins de recherche. Les résultats des enquêtes seront rendus publics quand elles arriveront à leurs termes.
Voici les liens permettant de répondre aux trois enquêtes parallèles :
• Vous êtes enseignants-e-s de la maternelle au lycée : http://sphinx2.espe.univ-amu.fr/v4/s/9ab5go
• Vous êtes enseignants-e-s dans le supérieur : http://sphinx2.espe.univ-amu.fr/v4/s/p13yf2
• Vous êtes élèves ou parents d’élèves de jeunes enfants : http://sphinx2.espe.univ-amu.fr/v4/s/11lhnf
Ces 3 questionnaires ont été mis en ligne le 9 avril 2020 et ont déjà recueilli à ce jour plus de 5000 réponses.Pierre Diatta Le 3ème arrondissement de Marseille et le COVID 19
Le 3ème arrondissement de Marseille, s’est mobilisé très rapidement, grâce à son tissu citoyen & associatif afin que les plus fragiles et les plus démuni(e)s puissent se nourrir décemment et être en capacité d’adopter les gestes barrières pour se préserver. Il est vite apparu la nécessité d’orienter nos actions vers ces urgences en priorité.
Des plateformes d’entraides se sont créées, constituées d’associations et des collectifs d’habitants. Les enseignants se sont mobilisés pour pallier la soudaine détresse financière de certaines familles, accentuant leur surcharge de travail. Le soutien scolaire ne fonctionne plus, nous avons essayé de mettre en place une stratégie d’aide par téléphone ou par vidéoconférence mais là aussi cela ne fonctionne pas car nous n’avons pas évalué au départ les familles qui le pouvaient, et nous étions habitués à être avec eux au moment du soutien scolaire.
Le local sert de fabrique de masques, et, est utilisé aussi pour une distribution de produits de première nécessité pour les enfants en bas âges (couches produits d’hygiène, lait, etc….).
Toutes et tous se battent pour que la puissance publique réagisse et apporte, les moyens adaptés dans notre arrondissement pour faire face aux difficultés croissantes rencontrées par une partie importante des habitant(e)s de ce territoire.
Les appels à la générosité se multiplient dans le 3ème arrondissement, les habitants y répondent certes et en même temps, nous pouvons nous interroger sur leur signification vis-à-vis de la puissance publique en général et également sur ce qu’elle autorise ou non.
De plus, au cours du temps, la volatilité de la générosité a été constatée et dans ce même cours de temps cette même générosité va privilégier plutôt cela que ceci… alors que les besoins se font ressentir partout.
Nous réclamons les aides publiques auxquelles ont droit ces familles, et que l’état et collectivités publiques, apportent un soutien matériel et financier pour permettre à tous les quartiers prioritaires marseillais, comme le 3ème arrondissement, de faire face pendant le temps de cette crise sanitaire et ensuite de reprendre pied lorsque le confinement prendra fin, car malheureusement nous ne pouvons faire face au flot croissant de difficultés à venir.
Pierre -
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